Allô!
L’hiver passé je dévorais le Manuel de transition ; de la dépendance au pétrole à la résilience, de Rob Hopkins. J’ai vraiment adoré cette lecture, qui traite entre autres de résilience locale, de décroissance et des multiples possibilités que peuvent se donner une communauté! Je l’ai trouvée éclairante sur une foule de points, et je voulais en discuter avec vous!
La première section du livre nous plonge d’abord dans de nombreux constats effarants sur notre dépendance au pétrole, et l’importance d’en sortir. Pour son impact environnemental désastreux, mais aussi parce que inévitablement, la rareté de la ressource se traduira par une augmentation du prix qui ne nous permettra plus de faire voyager les aliments, les produits d’utilisation courante, et nous-même, comme nous le faisons actuellement. Sans parler de toutes les autres utilisations du pétrole, comme les engrais et le plastique, qui sont omniprésents dans le mode de vie des sociétés soit disant « développées ». (On en parle d’ailleurs dans la discussion Questionnement sur l’effondrement, si ça vous intéresse!)
Si on arrête sa lecture là, c’est plutôt déprimant, et même paniquant! Mais heureusement, la deuxième section du livre donne une énorme dose d’espoir. D’ailleurs, cette vision positive du monde des possibles fait partie intégrante de la mouvance derrière ce livre, comme l’illustre bien cet extrait ;
« À quoi ressemblerait la mobilisation écologique si elle s’efforçait de susciter ce sentiment de ravissement au lieu de la culpabilité, de la colère et de l’horreur […]? De quoi aurait-elle l’air si elle s’efforçait d’inspirer, d’enthousiasmer, et de se concentrer sur les possibilités plutôt que sur les probabilités? […] Pour que devienne réalité un avenir plus nourrissant, riche d’une authentique abondance »
À l’aide de nombreux exemples concrets, Rob Hopkins illustre de quoi pourrait avoir l’air une société résiliente, basée sur des échanges locaux pour répondre à la majorité des besoins, dans le respect des capacités de l’environnement et de ses habitants.
Certains de ces exemples sont récents, d’autres proviennent du début du siècle dernier, d’autres encore des mesures entreprises en Grande-Bretagne durant la 2e Guerre Mondiale, alors que le gouvernement encourageait la production locale d’aliments, la réduction du gaspillage, la récupération des restes alimentaires (comme les os et le gras) et organisait même l’enseignement de compétences pratiques. On peut d’ailleurs le voir dans diverses affiches de l’époque (de différents pays) ;
Et c’était le cas pour l’alimentation, mais aussi pour d’autres domaines, comme l’habillement ;
(J’ai d’ailleurs un livre sur le rôle des femmes au Québec durant la Seconde Guerre Mondiale, où on peut constater divers exemples de cette tendance, je vous en parlerai dans un autre fil de discussion!)
On y encourageait donc, entre autres, la création de jardins partagés et privés, ce qui permettait même aux pauvres d’avoir accès à des aliments frais et sains. Des lots de jardins avaient été implantés sur les terrains de jeu d’école, et les propriétaires d’usines encourageaient leurs employés à faire des jardins sur leurs terrains. Durant la Première Guerre Mondiale, même le roi Georges V avait ordonné de remplacer les fleurs entourant le Buckingham Palace par des légumes. Ces mesures ont fait en sorte qu’entre 1939 et 1944, la production alimentaire de la Grande-Bretagne a augmentée de 91%.
Malheureusement, dans un contexte de guerre c’est assez lourd, mais ça montre quand même comment des nations entières ont pu s’organiser pour développer leur résilience.
80 ans plus tard, on constate que ces orientations tombaient sous le gros bon sens ; produire et consommer localement, éviter le gaspillage, augmenter la durée de vie des objets, réutiliser, faire en sorte que les gens soient capables de produire et conserver leur nourriture, transformer les terrains en espaces nourriciers… Dans le manuel, il est même écrit qu’avec toute cette production de fruits et légumes frais et accessibles, l’état de santé général de la population (en Grande-Bretagne) n’avait jamais été aussi bon avant ou tout juste après cette période. Dommage que ces pratiques se soient dissipées après la guerre!
Distinction entre le mouvement de transition et les groupes environnementaux
J’aime beaucoup l’approche du mouvement de transition, qui se caractérise notamment par le désir de développer la dimension sociale (équité, solidarité et justice sociale). Il est vraiment question d’une prise en main par et pour la communauté, dans une approche adaptée au milieu, avec ses forces locales, respectueuse de l’environnement et des habitant, et dans un climat d’enthousiasme et de positivité. On parle même d’une « action collective constante qui finit par avoir des airs de fête plutôt que de manifestation. »
« Nous commençons à peine à explorer la puissance d’une vision positive d’un futur resplendissant qui soit frugal en énergie, riche en temps, moins stressant, plus sain et plus heureux. […] Nous avons tellement pris l’habitude de militer contre certaines choses que nous avons perdu de vue l’endroit où nous voulons aller. »
Le manuel présente aussi plusieurs outils pour favoriser l’action et les impacts concrets ; ça donne vraiment envie de s’y mettre, ou de rejoindre les mouvements déjà créés! Personnellement, ça m’a donné de bonnes idées pour l’animation de réunions, et pour enrichir les rencontres de réseautage du peuplier!
Voilà d’ailleurs, de façon résumée, les 6 principes qui sous-tendent le modèle de Transition ;
- Visualisation ; Imaginer concrètement ce que cela fera d’être rendu à l’objectif fixé
- Inclusion ; S’adresser à tous, qu’ils soient conscients ou non des enjeux
- Conscientisation ; Exposer la situation de façon claire, accessible et divertissante. Présenter aux gens les enjeux, mais les laisser formuler leurs propres réponses à ceux-ci
- Résilience ; Reconstruire la résilience sans carbone
- Perspicacité psychologique ; Garder en tête que les principaux obstacles à l’implication sont les sentiments d’impuissance, d’isolement et d’écrasement. Il faut donc créer une vision positive, créer des espaces où nous pouvons parler et ressentir comment ces enjeux nous affectent, sentir également qu’on participe à un effort collectif, à quelque chose de plus grand que soi.
- Solutions crédibles et appropriées ; mettre l’emphase sur ce qui peut être fait à l’échelle de la communauté. « Le niveau idéal pour une initiative de transition est celui que vous sentez pouvoir influencer ».
Ressources du mouvement au Québec ;
J’ai découvert le site Réseau transition Québec qui semble être la référence du mouvement pour le Québec, mais qui n’est plus très actif apparemment. Je vous le partage tout de même, au cas où! Il y a aussi plusieurs groupes Facebook de transition, pour différentes villes et régions, si ça vous intéresse!
Bref, je vous encourage vraiment à lire le Manuel! Et si c’est déjà fait, je suis curieuse de connaître vos impressions sur celui-ci? Qu’en avez-vous pensé? Cette lecture a-t-elle influencé d’une façon ou d’une autre votre vision des choses, vos actions?
Au plaisir de vous lire et d’échanger là-dessus!