Lorsqu’on vise l’autosuffisance alimentaire au Québec un des plus grand défi est de pouvoir manger frais les longs mois d’hiver jusqu’à tôt le printemps . Manger des micropousses en plein mois de janvier ou en mai a quelque chose de très réconfortant et agréable. Nous les consommons ici avant tout pour leurs goûts exquis et pour le grand plaisir de manger vivant et vert, à des frais très raisonnables.
Elles ont aussi une grande valeur nutritive. Quelques exemples:
Le blé dur utilisé ici est celui avec lequel on produit le jus d’herbe de blé. Il contient en moyenne 70% de chlorophylle, molécule très similaire à l’hémoglobine humaine, 92 des 102 minéraux répertoriés dans le sol et 18 acides aminés dont les 8 essentiels. On doit consommer le jus de germe de blé avec modération puisqu’il est riche en vitamine A et E qui sont liposolubles. Je vous invite à faire vos propres recherches pour le dosage. Le jus que je fais à la maison est obtenu en mélangeant de l’eau et des pousses de blé dans un blender il est donc moins pur que le produit obtenu par pression à froid.
Les micropousses de brocoli contiennent de 20 à 50 fois la quantité de sulforaphane que le brocoli adulte. Le sulforaphane est une molécule performante pour la prévention du cancer.
Les micropousses de chou rouge contiennent 40 fois plus de vitamines E et 6 fois plus de vitamine C que le chou rouge mature.
J’ai tenté dans les paragraphes qui suivent de résumer les étapes qui vous permettront de sauver du temps et d’éviter les erreurs ( et j’en ai fais plusieurs !) pour faire vos propres micropousses comme de vraies,vrais pros.
Premièrement le matériel…
Tout d’abord, on n’a besoin que d’un éclairage assez rudimentaire. J’utilise des néons sylvania T8 32 w Daylight (6500 K) de 48 pouces en luminaire double. Ce sont de bons néons pour la croissance et vous pouvez utiliser n’importe quelle marque pourvu que la température du néon soit de 6500 K, imitant une lumière similaire à la lumière extérieure estivale. Une seul luminaire peut éclairer 4 plateaux standards de 10’‘X20’’. Le néon doit être à 11 ou 12’’ du substrat. Pour vous donnez une idée de l’installation. On voit ici kale et blé.
Je n’ai pas encore essayé l’éclairage LED qui semble être performant. J’obtiens pour l’instant de très bons résultats avec les semis et micropousses sous néons. Il est possible lorsque les jours sont assez longs (14 hres et plus) d’utiliser la lumière du jour si vous avez une ou plusieurs fenêtres bien orientées.
En ce qui concerne le substrat, il doit avoir un bon pouvoir d’absorption de l’eau et être léger. Dans le cas des micropousses le substrat ne remplit pas de rôle nutritif puisqu’on récolte en général après 4 à 10 jours avant l’apparition de feuilles vraies. J’ai même vu des exemples où les micropousses de blé sont cultivées sans autre substrat qu’un essuie tout au fond du plateaux et ce, pour trois coupes. On peut se servir du terreau qu’on utilise pour les semis. le mélange tourbe, perlite usuel (BM8, Pro-Mix etc.). J’ai essayé de la tourbe pure sans grand succès, mais c’était avant de décider de mélanger l’eau au substrat au préalable. J’en essai un plateau présentement et vous en donne des news.
Les plateaux à semis standard de 10’‘X20’’ sont trop profonds (2½’’). Ceux spécialement conçus pour les micropousses sont de 1¼’’ de profondeur. On peut combler le 1¼’’ excédant des plateaux standards avec du bois non traité. J’utilise des planches d’épinette 1’‘X9,5’’. Les micropousses n’ont besoin que de 3/4 à 1’’ de sol. On évite ainsi d’utiliser une trop grande quantité de mélange et des pertes en micropousses puisqu’il est possible de couper les pousses à leurs bases puisque le niveau du substrat est juste en dessous du rebord du plateau. Les plateaux vendus en commerce sont encore majoritairement en plastiques.
On peut aussi faire ses propres plateaux en bois. C’est préférable de torréfier en surface à la torche et traiter à huile de chanvre ou tout autre huile végétale non toxique. J’ai fais celui-là avec une planche de pin pour le fond et de la forense pour les bords.
Il est possible de s’approvisionner à plusieurs endroits, je vous en donne deux: vertdemain distributeur québécois et mumm’s de la saskatchewan où l’on peut sur demande commander des sacs de 10 kg et 25 kg très économiques.
Parlons méthodologie…
Densité
Semez la bonne densité. C’est un truc important pour toutes les espèces qu’on cherche à produire en micropousse. J’ai utilisé des densités corrigées à la baisse mais se rapprochant tout de même de la culture commerciale où l’on vise un maximum de rendement par unité d’espace (recouvrement 100%). Lorsqu’on produit chez soi on peut semer moins dense pour limiter les risques de moisissures. Ainsi si vous désirez varier les densités des espèces mentionnées ici, je le ferais à la baisse. Les graines doivent être disposées uniformément pour éviter les surfaces où elles sont en couches épaisses. Idéalement le substrat devrait être couvert par une mince couche étendue avec la main. Cette étape sera d’autant plus facile si vous tapez et égalisez doucement le substrat avec vos mains au préalable. Lorsque vous l’aurez fait une ou deux fois toute l’opération ne vous prendra que quelques secondes.
Voici quelques densités pour les espèces avec lesquelles j’ai le plus expérimenté. Vous pouvez les utiliser comme point de départ. Les plateaux utilisés pour le calcul étaient des 10’‘X20’’.
Brocoli, Kale, Radis 50g sec-54 ml/plateau avec un rendement de 320 g ;
Tournesol 183g sec-170 ml/plateau, rendement 610 g; ;
Blé 150g sec-175 ml/plateau 300g, rendement première coupe;
Pois 250g sec-312 ml/plateau.
L’eau et le substrat
C’est beaucoup plus pratique de mélanger au préalable l’eau au terreau qu’on utilise. L’eau est distribuée uniformément et en quantité suffisante ce qui dans bien des cas rend tout autre arrosage inutile particulièrement pour les petites pousses (kale,choux,brocoli etc.). On sait que la quantité d’eau est suffisante lorsqu’en serrant fermement une poignée de terreau quelques gouttes coulent de notre main. Habituellement je laisse les graines tremper 24 hres, de cette façon elles se gorgent d’eau et germent plus rapidement. Mieux vaut arroser avec de petits volumes d’eau. Si vous utilisez un substrat à base de tourbe et que certaines surfaces deviennent brun pâle c’est qu’elles commencent à sécher.
Couvrir
Les plateaux s’imbriquent bien les uns dans les autres. Pour bien amorcer la germination, on peut les empiler et laisser le tout recouvert avec un plateau vide lesté sur le dessus pendant 2-3 jours. Vérifiez quand même l’état de vos pousses après 48 heures. Souvent après ce délai 60-70 % des graines auront débuté leur germination, à ce moment vous pouvez découvrir et mettre sous les néons.
Stériliser
En jardinage je ne suis pas un grand adepte de la stérilisation. Pour les pousses c’est une autre histoire, elles ne sont pas dans un vrai sol colonisé d’organismes bénéfiques pour les protéger. Je vous conseille donc de tremper les plateaux dans de l’eau chaude et savonneuse avec 10 % eau javel (bien rincer) avant l’usage particulièrement si ils ont déjà été utilisé.
Température
La germination se fait plus rapidement si la température est maintenue entre 20-25 celsius mais quelques variations ne sont pas bien grave. J’ai eu de bons résultats à des températures de 15-18 celsius.
Ventilation
Lorsqu’on parle de ventilation, l’idéal est de ne pas diriger le ventilateur directement sur les pousses mais faire en sorte que l’échange d’air soit optimum. C’est bien que l’air bouge autour des plateaux pour éviter un micro-climat trop humide et ‘‘fermé’’.
Humidité relative
Il suffit de garder un taux humidité relative raisonnable (50-70 % max). Comme pour la température on peut avoir de bons résultats dans un endroit plus sec ou humide. Si vous produisez à l’intérieur, en appart ou à la maison, c’est cependant préférable de rester sous 70 % d’humidité relative.
Il est possible mais rare que malgré toutes les précautions prises, quelques foyers de moisissures grises (Botritys) ou blanches (Oïdium) apparaissent. En général ceci sera observable par une surface plus ou moins grande semblant croître plus lentement, clairsemée et aux pousses légèrement recourbées. Regardez bien au fond près du substrat de croissance et vous verrez que les pousses semblent se liquéfier (surtout pour les petites micro pousses) à ce stade la moisissure sera visible. La première chose à faire est de séparer le plateau contaminé afin d’éviter une trop grande propagation des spores et la contamination des autres plateaux. Pour la suite c’est un choix personnel, certains préfèrent jeter tout le plateau et d’autres (je suis de ceux là) récoltent immédiatement les zones saines.
Si les micropousses ne sont pas prêtes à récoltées je traite avec cette solution obtenue de Curtis Stone: Vaporiser (1500 ml d’eau, 50 ml de vinaigre blanc et 50 ml de peroxyde alimentaire 35%) et tenter de recouvrir tout le feuillage et le sol mais ne pas trop arroser.
Il ne faut pas confondre les poils absorbants de la racine primaire de la graine germée avec la moisissure, ils sont très semblables.
Un truc, l’apparition de moisissure est toujours accompagnée de dommages (décoloration,nécrose) aux tissus quels qu’ils soient alors que les poils absorbants sont assez droits, perpendiculaires à la racine et limités à celle-ci. On observe ici un début de moisissure pour le pois.
Dernières astuces
Les pois, si vous les essayez, absorbent beaucoup d’eau au trempage, les recouvrir de 2 à 3’’ d’eau. Je n’ai pas donné de rendement pour les pois. Ils sont délicieux mais probablement les moins productives de toutes les pousses que j’ai essayé. Malgré cela on peut faire plusieurs petits trucs intéressants avec eux. Une fois les pousses coupées, on peut replanter le contenu du plateau en entier au jardin. Ce n’est pas bien grave si il ne reste pas d’un bloc, on peut même le séparer en morceaux pour planter à plusieurs endroits. Les tiges repoussent et les pousses fleuries sont excellentes et sont présentes pendant une bonne partie de juin… De plus, si on laisse monter en graines, on peut récolter 240 g (pour 250 g mis en plateau) de pois additionnels qu’on peut utiliser pour recommencer un nouveau plateau.
Je reviens sur la gestion de l’eau. J’arrose rarement les pousses tel que brocoli, kale et même tournesol parce qu’elles sont plus sensible aux moisissures et sont récoltées rapidement (5-7 jours). De plus vous remarquerez que les cotylédons des petites micropousses (kale,brocoli,radis etc…) forment une canopée dense couvrant 100% de la surface du plateau ce qui garde un haut niveau d’humidité à la base des tiges.
Pour conserver le maximum de leurs valeurs nutritives les micropousses doivent être consommées rapidement vous pouvez commencer à les récolter un peu plus jeunes pour mieux répartir les quantités et la fraîcheur.
J’ai essayé les germes aussi. Ils ont deux grands avantages: pas besoin d’éclairage et de substrat ce qui est très intéressant dans une dynamique d’autosuffisance. Comme je l’ai mentionné au début c’est vraiment le goût et la couleur des micropousses qui nous ont charmé a priori. Nous nous sommes informé sur leur valeurs nutritives après. Je n’ai pas de données sur la valeurs nutritives des germes. Si vous avez des données là-dessus, s’il vous plaît n’hésitez pas à m’en faire part.
Une fois les micropousses récoltées, le substrat qui est maintenant densément colonisé de racines peut être ajouter au compost ou au lombricomposte.
Un dernier point (pour vrai !), les informations nutritionnelles sur les micropousses sont très nombreuses et les intérêts de ceux qui les donnent aussi. C’est vraiment bien d’avoir plusieurs sources indépendantes pour se faire une idée juste.
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Merci ! À plus tard.