L'abeille à miel bat de l'aile

Je vous présente mon article de vulgarisation que j’avais soumis à la Bourse Fernand Séguin à la fin de mon bacc en biologie à l’UQAR en 2015. Je l’ai pas remporté mais la raison est que j’avais pas assez de sources, donc sûrement que ce je dis est bon et véridique héhé Aussi ça date un peu mais c’est encore pas mal d’actualité alors pourquoi pas vous le partager! :slight_smile:

Avec un peu d’imagination, il est possible de résumer en une année l’histoire évolutive de l’origine de la vie jusqu’au déclin de l’abeille à miel! L’origine de la vie étant la première journée de l’année, il faut attendre trois mois avant de voir apparaître la photosynthèse. À la moitié de l’année, en juin, les algues aquatiques prolifèrent au milieu des océans. Ce n’est qu’en fin novembre que les plantes terrestres vont s’étendre sur les terres encore vierges. Six jours avant Noël, les plantes à fleurs s’exposent et attendent patiemment la création de l’abeille mellifère, véritable cadeau de Dieu, la journée de Noël. Et nous? Il est difficile à croire, mais c’est bel et bien la veille du Jour de l’An à 20h00 qu’a lieu l’apparition de l’Homo sapiens. À 23h 59m 59s, près de 4 heures suivant notre arrivée, on remarque soudainement une grande mortalité des abeilles à miel, soit l’instant d’un battement d’aile sur l’échelle réel du temps.

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Constat global

Les apiculteurs observent une mortalité accrue des abeilles à miel au moment de remettre les ruches en état de marche le printemps venu. «Auparavant, on dénombrait des mortalités naturelles qui occasionnaient une perte de 15% par colonie, et maintenant, ce chiffre a doublé pour atteindre 30 à 50%, selon les pays », souligne Olivier Samson-Robert, professionnel de recherche au Centre de recherche en horticulture de l’Université Laval.

Ces pertes se comptent principalement dans les pays industrialisés d’Europe, les États-Unis et le Canada et ont vraisemblablement des conséquences néfastes sur tout l’écosystème. Ce que l’Europe et les États- Unis remarquent aussi est une disparition des abeilles durant la saison apicole. Dans le milieu scientifique, on qualifie ce comportement de syndrome d’effondrement des colonies, en anglais Colony Collapse Disorder (CCD), du fait que ces insectes sociaux abandonnent la ruche. Au Canada, il n’y a pas beaucoup d’informations concernant le CCD.

« Nous ne savons pas pourquoi les abeilles quittent les ruches en opération et n’y reviennent pas », confie Monique Boily, professeure associée au Département des Sciences Biologiques de l’Université du Québec à Montréal. «Par contre, nous savons que la perte des abeilles adultes cause un disfonctionnement dans les ruches, car elles ne sont plus là pour chercher de la nourriture, élever les larves et faire le ménage de la ruche », précise-t-elle.

En sol québécois, l’augmentation de la mortalité hivernale des abeilles est une situation alarmante et les causes connues s’ajoutent une à une.

IMPORTANCE DES POLLINISATEURS

La pollinisation est un mode de reproduction sexuée utilisée par les plantes à fleurs. Ce processus indispensable à leur survie s’effectue par le transfert de pollen entre les plantes. Il existe beaucoup de pollinisateurs dont la majorité sont des insectes en plus de quelques mammifères, tels la chauve-souris, l’écureuil, le singe et certains oiseaux. Une minorité d’entres elles, les graminées, optent pour la simplicité en s’autofécondant ou en laissant le vent faire le travail. Enfin, l’infime quantité de plantes aquatiques va préférer, au même titre que le vent, laisser le courant transporter le pollen.

Les pollinisateurs contribuent fortement à l’équilibre du réseau trophique, c’est-à-dire l’ensemble de la chaîne alimentaire d’un écosystème. C’est presque la moitié des aliments les plus importants (fruits, légumes et noix) retrouvés dans notre assiette qui proviennent directement ou indirectement du travail de ces insectes.

C’est pourquoi nous disons qu’ils jouent un rôle clé dans la régulation d’un écosystème et peuvent être considérés comme un écosystème en soi. En effet, « la colonie est un organisme entier, où les abeilles en santé prennent soin des abeilles malades », rappelle Olivier Samson-Robert.

La domestication de l’abeille mellifère sert non seulement à la production du miel, mais aussi à l’agriculture commerciale comme le blé, les légumes (concombre, courge et citrouille), les fruits (canneberge, pomme, bleuet), etc.

L’abeille mellifère est la plus importante pollinisatrice au monde et contribue à la pollinisation de 80% des cultures.

CE QUE DISENT LES STATISTIQUES

Statistiques
De 1998 à 2003, le nombre de colonies, d’apiculteurs et la production de miel ont nettement diminués, ce qui a alarmé bon nombre d’apiculteurs et agriculteurs. Durant la décennie suivante, l’industrie a cependant connu une véritable explosion et a augmenté de manière fulgurante. Tout compte fait, les abeilles semblent bien s’en tirer…

Toutefois, il faut faire attention à ne pas interpréter cela comme une hausse de productivité. La demande pour les services de pollinisation et le prix du miel sont les deux principaux responsables de la hausse soudaine de 2003 à 2013.

D’une part, le nombre d’abeilles par colonie a chuté considérablement et la production annuelle de miel par colonie a diminué d’environ 30%. Ainsi, dans le but d’éviter de diminuer les rendements, le nombre de colonies par apiculteur a été doublé durant les années suivantes.

D’autre part, le nombre de colonies en location utilisées pour les productions de bleuets et de canneberges a triplé. Les abeilles, beaucoup en demande par les agriculteurs, permettent donc de rentabiliser les pertes de la production de miel.

Enfin, le prix et la valeur du miel ont doublé, ce qui avantage nettement les ventes des apiculteurs.

Au final, ce que disent les statistiques, c’est qu’il y a moins d’abeilles par colonie et qu’elles sont moins productives.

CAUSES BIOLOGIQUES, ENVIRONNEMENTALES…

Tout d’abord, on constate un problème de consanguinité auprès de nos colonies d’abeilles qui les rend moins résistantes aux agents pathogènes.

« Non seulement nous comptons actuellement sur une petite lignée d’espèce originaire d’Europe, mais grâce à la prolifération des maladies, les autres pays ne veulent plus importer d’abeilles. Il en résulte donc un affaiblissement génétique dans nos colonies d’abeilles domestiques », explique le professionnel de recherche de l’Université Laval.

Parasite
Parmi les agents pathogènes, on dénombre environ huit virus et deux parasites tel un acarien portant le nom très affectueux Varroa destructor. Toutefois, « ce parasite est présent depuis les débuts de l’apiculture et n’est pas une surprise pour les abeilles», rétorque la chercheure Boily.

Les dommages de la varroase sont multiples ; décès, ailes atrophiées, cannibalisme et vol difficile, mais l’effet le plus dévastateur est la transmission de d’autres maladies accompagnant les piqûres.

Un autre parasite qui laisse difficilement sa place dans les ruches est le champignon microscopique du genre Nosema (N. ceranae et N. apis). Les infections fongiques, dites nosémoses, qui s’en suivent sont intensifiées lorsqu’en présence d’insecticides, en plus d’abaisser fortement le système immunitaire des abeilles.

… ET ANTHROPIQUES !

Dans le milieu apicole et agricole, on observe des grandes superficies où une seule source de nourriture est disponible pour l’abeille. Ces monocultures, parfois appelées déserts verts, appauvrissent la biodiversité végétale et cette perte de qualité affecte directement la santé des colonies. Pour reprendre l’exemple très imagé d’Olivier Samson-Robert : « c’est bien bon du brocoli, mais ce n’est pas en mangeant cela à tous les jours que tu vas devenir fort ».

Il y a aussi le transport qui inflige énormément de stress aux colonies. « Lorsque les apiculteurs transportent les ruches, c’est un traumatisme pour les abeilles, elles sont désorientées et il faut compter quelques jours avant qu’elles puissent s’en remettre », relève Monique Boily.

À tout cela s’ajoutent les insecticides et herbicides, une arme que les apiculteurs et agriculteurs utilisent abondamment pour assurer la protection des cultures et des colonies. Il y a un insecticide en particulier qui attire beaucoup l’attention ces dernières années, le néonicotinoïde.

« Le néonicotinoïde est un insecticide systémique soluble dans l’eau, une caractéristique qu’on ne retrouvait pas auparavant. Lorsqu’il est appliqué dans l’environnement, par pulvérisation foliaire ou d’enrobage de semences, ce pesticide va d’abord se dissoudre dans l’eau et lorsque la plante va croître, elle va absorber l’insecticide en même temps que l’eau par ses racines », explique Olivier Samson- Robert.

« Ils vont aussi se retrouver en quantités plus concentrées dans les flaques d’eau, là où s’abreuvent les abeilles. Toutes les cellules de la racine, la tige, la feuille, le pollen, le nectar et la fleur vont ainsi acquérir les propriétés toxiques. Les abeilles butinent le pollen et le nectar et en rapportant des réserves, ils contaminent l’intérieur de la ruche et la ressource alimentaire. À ce moment, la reine et les larves seront aussi affaiblies par cette nourriture toxique », conclut-il.

Des chercheurs de plusieurs universités ont réalisé en 2012 une étude en laboratoire montrant les effets néfastes de ces insecticides sur l’orientation et l’olfaction des abeilles.

Placés dans un labyrinthe, un premier groupe ayant subi une petite ingestion de néonics et un second groupe sans exposition avaient comme mission de trouver un carré de sucre. Le premier groupe a échoué le test avec 38% des effectifs ayant atteint la récompense tandis que le second groupe a eu la note de passage de 61%.

D’après une autre étude publiée en 2014 dans la revue spécialisée Environmental Science and Pollution Research, 29 scientifiques indépendants ayant analysé 1 121 publications sur les néonicotinoïdes ont conclu que la quasi-totalité des êtres vivants seraient susceptibles d’être contaminés par ces insecticides.

De par leur solubilité dans l’eau, ces pesticides vont facilement ruisseler lors de grandes crues et atteindre les cours d’eau à proximité des champs, pour atteindre les rivières, les lacs et les océans. Ils peuvent s’accumuler pendant des années dans les sols et sédiments, l’eau de surface et souterraine et chez les végétaux traités ou non.

Les espèces touchées regroupent la majorité des êtres vivants, c’est-à-dire les microbes, plusieurs insectes pollinisateurs (indigènes), invertébrés terrestres et aquatiques, amphibiens, reptiles, poissons, oiseaux et mammifères.

POUR LA SUITE?

Il est évidemment difficile de donner la solution parfaite à tous ces problèmes auxquels font faces nos abeilles à miel. Elles sont victimes d’une industrie dans laquelle nous les poussons à l’extrême, tous les jours, pour produire de plus en plus. Un jour, nous allons frapper un mur et les dégâts seront énormes, c’est pourquoi il est temps, maintenant, de changer les habitudes et conscientiser les gens sur les procédures à suivre.

Il y a du travail à faire pour améliorer la communication entre les apiculteurs et agriculteurs. Une meilleure connaissance des effets des pesticides peut permettre de prévenir le risque d’application inutile de ces produits. Ainsi, pratiquer la lutte intégrée en utilisant les programmes existants réduiraient l’utilisation des pesticides.

Une mention toute spéciale au système Flow Hive, inventé par deux australiens Cédar et Stuart Anderson, qui simplifie grandement la récolte du miel. Lorsque les alvéoles sont pleines, il suffit de tourner le robinet, les cellules s’ouvrent et laissent écouler le miel. Les abeilles ne sont pas stressées, car il n’est plus nécessaire de les enfumer et ce système restreint certaines manipulations telles l’ouverture de la ruche, la protection contre les piqûres et passer du temps à extraire le miel.

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