L’Essence de la Forêt Nourricière

Forêt Nourricière de 8 ans créée par Wen Rolland

Introduction

La Nature est à la fois la plus inspirante des classes et la plus compétente des enseignantes. Notre travail en tant qu’êtres humains est de comprendre les fonctions des systèmes naturels et de reproduire ces fonctions dans nos créations. Nous devons aussi comprendre la succession des écosystèmes d’un état de perturbation à un état de stabilité, surtout si nous voulons mettre en place rapidement et avec succès une forêt nourricière.

Notre idéal est un système qui présente un haut niveau régénératif et se renouvelle afin de rester stable et efficace dans ses processus naturels. Son installation sur un site permet aussi de réhabiliter celui-ci, s’il est dégradé par l’agriculture traditionnelle ou d’autres conditions nuisibles comme l’engazonnage.

Qu’est-ce qu’une forêt nourricière?

Le système forestier est l’exemple parfait d’un système durable dans notre climat. Ce type d’écosystème présente de nombreuses propriétés bénéfiques : il n’a pas besoins des humains pour se propager, se maintenir, se renouveler et se fertiliser. Il génère naturellement de l’air pur, de l’eau propre et un sol vivant rempli d’éléments nutritifs.

La forêt est un environnement d’une grande diversité biologique qui présente une stabilité, une résilience et une adaptabilité étonnante. C’est donc une très bonne idée de s’en inspirer. Pour concevoir des écosystèmes comestibles qui expriment ces mêmes qualités, nous devons comprendre les structures de la forêt, ses fonctions, ses modèles et ses processus, et surtout utiliser ces connaissances à bon escient. L’accent est mis sur l’ensemble du système comme un organisme interdépendant, l’interdépendance est la clé d’un système dynamique et en santé.

La forêt nourricière (food forest ou edible forest garden en anglais et aussi appelé jardin forêt ou forêt comestible en français) est une méthode de jardinage s’inspirant de la forêt naturelle dans ce qu’elle a de meilleur à nous offrir. C’est un type de verger diversifié composé de vivaces, d’arbustes et d’arbres qui, à maturité a besoin de peu de fertilisation ou d’arrosage et de très peu d’entretien pour produire une abondance de récoltes diverses. C’est de l’aménagement comestible et utile pour toutes les échelles de jardin.

La forêt nourricière c’est jardiner comme la forêt et non dans la forêt. On parle ici d’agroforesterie. En créant une forêt nourricière à partir d’un site où se trouve une diversité minimale tels un jardin potager, un champ pour le maraîchage, une prairie ou une zone défrichée récemment, vous régénérez ce site en y implantant la diversité nécessaire à la création d’un écosystème productif et en santé. On ne créer pas une forêt nourricière en forêt naturelle. La forêt est notre modèle, mais on ne cherche pas à l’investir ou à la reproduire, mais plutôt à s’en inspirer pour créer de nouveaux écosystèmes bien adaptés à nos besoins.

Si vous désirez jardiner dans la forêt, on parle plutôt de la récolte des produits forestiers non ligneux (PFNL), où on profite de la générosité de la nature pour récolter des produits alimentaires, médicinaux ou ornementaux que l’on trouve en forêt. Ça inclut entre autres les champignons, les crosses-de-violon et le sirop d’érable. Si on implante des cultures, comme le ginseng, avec des arbres sur de plus grandes surfaces, on parle toujours de PFNL mais dans un contexte d’agroforesterie.

Le principe de base dans la conception de ces systèmes productifs est de créer un écosystème de plantes qui sont adaptées à leur contexte, s’inspirer de la flore locale dans sa structure et sa fonction, et satisfaire les besoins humains.

Une forêt nourricière est un système de culture basé sur l’implantation d’arbres, d’arbustes, de plantes vivaces et de plantes annuelles (surtout au début de l’implantation, moins de 20% à maturité). Il est conçu de manière à imiter la structure et les processus d’une forêt naturelle, le type d’écosystème le plus stable et régénératif dans notre climat. Nous utilisons la métaphore de la forêt pour faire la conception de notre jardin afin d’intégrer ses côtés positifs.

C’est un système à long terme, biologiquement durable, nous permettant de nous alimenter et de générer plusieurs autres produits. Une fois établi, peu de travail est nécessaire pour le maintenir. Avec le bon travail fait au bon moment, ce type de système devient hautement productif. Les différents éléments peuvent être associés sous forme de guildes afin de maximiser les interactions naturelles et la résilience du système.

Objectifs principaux d’un système conçu en forêt nourricière:

  • Biologiquement régénératif, capable de faire face à des perturbations donc démontrant de la résilience;
  • Productif, offrant un grand nombre de différents produits tout en minimisant les intrants, autant au niveau énergétique que matériel;
  • Simple à récolter et entretenir donnant plus de temps pour profiter de sa beauté!

Caractérisation de la forêt nourricière

Les cultures qui sont produites à l’intérieur et autour d’une forêt nourricière comprennent des fruits, des noix, des feuilles comestibles, des épices, des plantes médicinales, des champignons, des matériaux de construction, des fibres, des matériaux pour la vannerie, du miel, du bois de feu, du fourrage pour nourrir les animaux, du paillis, du gibier, des produits de la sève, de la teinture et de l’huile.

Puisque nous cherchons à récolter plus de produits de notre forêt nourricière que ce qui est généralement récolté d’une forêt naturelle, nous avons la responsabilité de redonner à notre système productif sous forme de paillis, de composte en surface et de purin, particulièrement au début de l’implantation. Chaque forêt nourricière est différente et sa gestion dépend de sa composition, des objectifs de son existence, du site sur lequel elle est située, de l’état et du type de sol (loam, argile, sable), etc.

Les couches d’une forêt nourricière

La structure d’un jardin inspiré par la forêt est souvent considérée sur 7 couches. Dans ces strates, le positionnement des espèces dépend de nombreuses variables, y compris leurs besoins de protection des éléments, de lumière, d’humidité, de compagnons, de minéraux, de pollinisation, de phytoprotection et de structure pour grimper.

Commençons par le modèle à 7 couches qui est constitué de:

  1. Premièrement, les grands arbres de la canopée - la couche supérieure.
  2. Petits arbres et grands arbustes, plantés principalement entre et sous les arbres de la canopée.
  3. Arbustes, généralement assez tolérants à l’ombre.
  4. Plantes herbacées qui contribueront également à la couverture du sol par auto ensemencement.
  5. La zone des racines ou la rhizosphère. Toute conception doit tenir compte des différentes habitudes d’enracinement et les exigences des différentes espèces, même si les racines sont très peu développées.
  6. Couvre-sol, principalement des plantes rampantes qui forment un paillis vivant pour le sol.
  7. Les grimpants sont généralement ajoutés tardivement au jardin, car ils ont besoin des arbres vigoureux pour grimper. Néanmoins, vous pouvez créer des structures, par exemple des treillis, pour les soutenir à l’intérieur d’espaces plus ouverts au soleil.

Choisir vos végétaux

Voici quelques critères vous permettant de choisir judicieusement les éléments qui composeront votre forêt nourricière. Les végétaux pourraient :

  • Attirer des insectes prédateurs pour vous assister avec la phytoprotection;
  • Attirer des insectes pollinisateurs (plantes mellifères);
  • Fixer l’azote de l’air se trouvant dans le sol;
  • Couvrir le sol;
  • Produire des remèdes;
  • Créer des habitats pour la faune;
  • Produire du paillis vert (couper et déposer);
  • Etc.

Conclusion

La création d’un système productif inspiré de la nature demande une bonne compréhension des systèmes naturels et des processus qui leur permettent cette productivité et cette stabilité au cours de sa progression. La plupart des problématiques d’entretien que nous vivons dans nos systèmes, comme le désherbage et l’irrigation, sont en fait des questions de design efficace et change avec le temps.

La forêt nourricière est un écosystème. C’est un être vivant qui supporte d’autres êtres vivants. La vie née, grandie, se propage, consomme, produit et finalement, meurt. Le système sera dans un état constant de flux et de changement, toujours à la recherche d’un équilibre dynamique.

La beauté de la nature ne réside pas dans l’attachement irrationnel à des conventions rigides. Elle réside dans la réflexion créative sur la façon dont notre monde est en pleine évolution, en changement et en intégration tous les jours.

Pour plus d’information sur la permaculture, le design écologique et la forêt nourricière, visitez mon site web : http://designecologique.ca

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Merci pour ce texte explicatif! Très instructif!

Je crois avoir compris la différence entre la forêt nourricière et l’agroforesterie mais je ne suis pas certain… :thinking: Au fond, une forêt nourricière doit absolument commencer de zéro sinon on parle d’agroforesterie? Par exemple si je jardine dans une forêt les mêmes espèces retrouvées dans cette forêt, je fais de l’agroforesterie. Et si je cultive ces mêmes espèces mais à partir d’une zone non forestière dans le but de créer une forêt, on parle de forêt nourricière? Mais quand cette forêt sera mature, pourquoi alors on ne parle pas d’agroforesterie à moment là, pourtant on jardine DANS une forêt et on ne tente plus de s’en inspirer?

En partant de zéro, par exemple sur un site hautement dégradé par l’agriculture intensive, en combien d’années on peut avoir une forêt nourricière mature?

Aussi, est-ce que ça prend une superficie minimum pour concevoir une forêt nourricière?

En créant une forêt nourricière, on jardine comme la forêt et non dans une forêt déjà existante. On ne cherche pas à créer une forêt comme telle. On se sert de la forêt comme modèle dans son évolution pour saisir le moment idéal dans la succession pour le type de projet que nous élaborons. On ne veut pas qu’à maturité, notre forêt nourricière ait l’ombre et la compétition pour les éléments nutritifs d’une forêt naturelle. On veut un système généralement ouvert pour que toutes les strates aient de la lumière même quand les arbres seront à maturité. Le résultat dépendra bien sûr des objectifs du projet. Pour avoir une forêt nourricière mature, on peut compter entre 15 et 30 ans selon le design. L’échelle du projet n’a pas d’importance, la méthode et les principes restent les mêmes.

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