Ce qu’il faut savoir avant de se lancer dans la vie en écovillage

Par Nébesna Fortin, de la Cité Écologique de Ham-Nord,

Avril 2018, pour le blogue « Le Peuplier »

L’idée de vivre dans une communauté plus respectueuse de l’environnement se répand rapidement. Que nous parlions d’habiter dans un quartier de mini-maison, un écohameau, un quartier en transition ou un écovillage, l’idée fait son chemin. Il est de plus en plus possible d’avoir accès à de l’information et à des services qui nous aident à trouver notre place dans ce monde en changement. Comme ce blogue qui regroupe tellement de belles initiatives pour rendre notre vie plus écoresponsable. Ici, je voudrais aborder la section communautaire, plus précisément la vie en écovillage. Alors, si cela vous intéresse, je vous invite à lire les lignes suivantes et à enclencher la discussion.

Bonne lecture :blush:

Avant de se lancer dans la vie en écovillage voici quelques pistes de réflexion que j’aimerais vous partager.

*Notez que ces quelques points sont rassemblés et expliqués avec mes lunettes. J’ai voyagé dans différents écovillages et communautés intentionnelles et j’accompagne depuis 7 ans des gens en démarche pour joindre ou fonder un écovillage. Mais j’ai grandi dans ce mode de vie, où j’ai vu le jour, alors, je suis biaisée, car j’adore la vie en écovillage ! Et je n’ai pas eu à faire le grand saut. Je partage donc mes idées en toute simplicité. Ce n’est pas une recherche scientifique, mais plutôt une histoire d’amour entre le rêve d’un monde meilleur et la réalité d’un monde constamment en évolution.

D’abord et avant tout, il faut se rappeler que la vie en écovillage tente d’offrir des solutions à des maux de notre société. L’objectif ici est d’aller de l’avant dans la création de microsociétés reflétant l’idée : « penser global, agir local », où l’on tente d’augmenter notre qualité de vie tout en diminuant notre empreinte écologique. Cela demande une bonne dose de créativité, ainsi qu’un heureux mélange d’idéalisme et de réalisme. Comme le dit Albert Einstein : « On ne peut pas résoudre un problème avec le même système de pensée que celui qui l’a créé. » Alors, tentons d’innover, de faire preuve de créativité et de changer nos perceptions. Pour ce faire, il faut arriver à changer de point de vue; mettre de côté notre cassette qui désire tout compartimenter pour faire place à une vision plus globale, holistique. Et rappellerons-nous qu’ici on ne tente pas de séparer l’Homme de la Nature pour la préserver, mais plutôt de voir l’humain au cœur des solutions, tel le jardinier qui a le pouvoir de changer la Terre en un magnifique jardin.

Quelques éléments à avoir en tête pour se lancer dans la grande aventure :

  1. C’est possible, mais pas facile pour autant ! :wink: La belle vie en écovillage est un rêve réaliste, mais qui demande dévouement et implication. C’est comme dans la vie à deux, après la lune de miel, la routine s’installe, les petits défauts de tout un chacun peuvent devenir plus incommodants et certains de nos idéaux peuvent faire face à des réalités cassantes. Je ne dis pas cela pour vous décourager, bien au contraire, seulement pour porter votre attention sur l’importance de la préparation, de la formation et du partage. Savez-vous que 50 % des couples qui divorcent le font avant la 5e année de leur mariage ? Et bien, le taux de réussite après plus de 5 ans pour un écovillage est inférieur à 10 %. Eh oui, cohabiter, co-créer un Nouveau Monde ne sera pas une tâche facile, tant et aussi longtemps que nous n’arriverons pas à réapprendre à vivre ensemble. Le plus grand défi n’est pas l’argent, les règlements, le terrain, le travail… c’est l’humain​:slight_smile:. Tout l’équilibre repose sur la qualité de nos relations et interactions avec les autres. Cet équilibre déterminera notre capacité à contrer les obstacles qui se placeront sur notre route.

  2. Intégrer un écovillage, c’est une histoire de cœur. :heart: Malgré toutes les bonnes intentions du monde, n’entre pas qui le veut bien n’importe où. L’histoire dans plusieurs écovillages a fait ses preuves : accueillir un membre qui ne s’intègre pas dans l’art des règles peut mettre en grand péril un projet d’écovillage. À ma connaissance, chaque écovillage florissant s’est doté d’une procédure pour accueillir ses nouveaux membres. Adaptée au fil du temps et flexible, selon divers facteurs, cette procédure doit permettre à l’écovillage et à l’aspirant membre de prendre le temps de bien franchir les étapes. Voici encore un parallèle avec la vie à deux : il faut donner le temps aux deux parties d’apprendre à bien se connaître, prendre le temps de se fréquenter, se découvrir pour bâtir tranquillement la confiance ; ensuite, les bases sont assez solides pour créer de nouveaux projets communs. Joindre un écovillage est davantage une histoire de cœur que de raison. Plusieurs écovillages n’accueillent que les personnes avec lesquelles ils sentent une bonne synergie. Et pour parler de mon expérience, ce n’est pas parce que cela ne fonctionne pas à un endroit que tout est fini, il suffit de trouver le bon compagnonnage :slight_smile:.
    Note : la plupart des écovillages qui ne font pas de recrutement seront tout de même prêts à vous recevoir si vous arrivez à apporter un plus à la communauté. Oui, un écovillage offre de grands avantages (sécurité, sens d’appartenance, partage et soutien), mais cela est possible seulement dans la mesure où tous les membres de l’écovillage con[/floatl]tribuent de façon positive à offrir ces services et qualités d’entraide.

  3. Une piste de réflexion personnelle:thinking:

  • Est-ce que je me considère comme une personne sociale, ou du moins capable d’interagir harmonieusement avec les autres ?
  • Ai-je déjà expérimenté ce genre de situation communautaire (équipe sportive, école, milieu de travail, cohabitation, etc.) ?
  • Comment me suis-je senti ?
    Cela peut vous donner un indice pour découvrir si ce mode de vie peut vous convenir. Également, ce seraient de belles expériences qu’on pourrait se donner comme défi de vivre avant de penser à joindre un écovillage.
  1. Quelles qualités devez-vous rechercher en tant qu’écovillageois, ou écovillageoise ?
  • Il faut être flexible. Il faut pouvoir s’ajuster aux constants changements. C’est une réalité que j’ai observée à plusieurs endroits. « Seul le changement ne change pas ». La seule constante, c’est le changement ! Comme le disent les membres de Damanhur, en Italie : « Lorsqu’un système fonctionne et trouve sa stabilité, il est temps de commencer à penser à une nouvelle formule ». Il faut être prêt à se réajuster constamment.
  • Il faut avoir un bon sens de l’humour. Comme il est mentionné précédemment, la vie en communauté n’est pas toujours facile, il est donc important d’arriver à en rire et générer des interactions positives.
  • Il faut développer nos champs de compétences. Dans un écovillage, nous avons le désir et le devoir de nous impliquer dans différents secteurs de la vie : planification, action, célébration, gestion… L’on devient parfois le porteur d’un projet, parfois le second. Par moment, on est appelé à travailler au champ ou en cuisine et en d’autres temps il faut s’assoir en rencontre financière et gérer des situations diverses. Bref, il faut arriver à jouer un rôle dans plusieurs sphères d’activité.
  • Il faut être impliqué et détaché en même temps. Dans un projet coopératif, nous recherchons une grande implication de tout un chacun. Il y a plusieurs tâches et responsabilités à se répartir pour voir au bon fonctionnement. Par contre, il est impossible de tout faire et l’on doit arriver à faire confiance aux autres membres du groupe. Si certaines actions ou décisions ne sont pas faites exactement comme nous l’aurions souhaité il faut parfois apprendre à laisser aller notre point de vue. Comme la vie semble souvent me rappeler : il faut arriver à servir la vision commune avec le plus grand détachement possible. C’est ainsi que l’on bénéficie davantage du bien commun, car l’on reçoit à la hauteur des efforts que l’on investit.
  1. L’équilibre de la diversité et de l’unité. Il est très important de trouver des gens différents, mais qui partagent la même vision. La richesse d’une communauté réside dans sa diversité, car ainsi on arrive mieux à faire le tour d’une question, d’un point de vue ou d’une situation. Mais à la fois, pour faciliter les processus et éviter les conflits majeurs, il faut arriver à s’entendre d’avance sur la priorité du projet ; la vision commune. Cela aide grandement à rester motivé, car malgré les différences, nous savons ainsi que nos compagnons d’aventure marchent dans la même direction que nous. Alors, trouvez votre passion et cherchez un groupe qui la partage☺.

  2. L’incontournable développement personnel. Oui, on est mis à l’épreuve. Eh oui, parfois on a raison, mais parfois on doit également s’ajuster aux autres pour le bien commun, pour l’harmonie du groupe, pour la vision commune… Les raisons possibles d’entrer en conflit, lorsque l’on partage une partie de notre vie à plusieurs, sont nombreuses. Alors, il faut arriver à y faire face en gardant une bonne dynamique de groupe, ce qui demande que tous contribuent. Plusieurs outils sont disponibles pour aider dans ces démarches (voir un prochain article à ce sujet), mais au bout du compte, si l’on n’arrive pas à travailler sur soi-même, il sera très difficile d’arriver à surmonter toutes les épreuves.

  3. Ne réinventez pas la roue ! Savez-vous qu’il existe plus de 3 000 écovillages dans le monde ? Un magnifique réseau regroupe toutes ces initiatives afin de partager l’expérience de chacun. Plusieurs projets inspirants voient le jour à travers le monde et, ici au Québec, le mouvement est en expansion. Alors, je vous invite grandement à faire le tour pour vous inspirer et vous informer. De mon côté, bien que je connaisse assez bien le monde des écovillages (j’en ai visité plus de 22 à travers le monde) et bien, j’en apprends tous les jours. À chaque visite, chaque rencontre, j’ouvre mes horizons, je confronte mes idées et perceptions, parfois cela confirme mes réflexions et m’offre des solutions… Bref, même si un projet d’écovillage demande tout notre temps, il est tellement enrichissant de prendre un moment pour échanger, qu’il faut le mettre à son agenda !
    Note : Cela peut éviter de répéter des erreurs qui demanderont encore plus de temps à réparer :slight_smile:

  4. Quelques secrets pour vous donner un coup de pouce.

  • Parfois, faire des compromis est beaucoup plus enrichissant, car il renforce l’harmonie au sein du groupe.
  • Patience, patience et encore patience ! Oui, c’est long d’atteindre son idéal. Il faut arriver à garder la motivation, à s’encourager et à célébrer le chemin parcouru ensemble. Comme le dit le proverbe africain : « Seul, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin ! »
  • Personne n’est parfait, alors acceptons cette réalité et embrassons la vie dans sa parfaite imperfection !:kissing_heart:
    Note : Pour réaliser un écovillage, oui il faut le planifier et le préparer, mais au final, tout le projet ne se passe pas sur papier, il se vit. Donc, il vaut mieux éviter d’être trop dans sa tête et se préparer plutôt à expérimenter et à mettre la « main à la Terre ».
  1. Rire, rire et rire. :rofl: Dans les moments les plus intenses, le rire et la joie du parcours sont les moments les plus valorisants. Comme le dit le réseau international des écovillages : « Si ce n’est pas agréable, ce n’est pas durable. » Alors, ayons du plaisir ! Si cela est toujours ardu, tendu et stressant, on doit se poser des questions :
  • Peut-être que je ne suis pas dans le bon projet ?
  • Peut-être qu’une autre équipe serait plus profitable pour moi ?
  • Peut-être devrai-je changer certains comportements ou arriver à prendre la vie avec plus de légèreté ?
    Car après tout, la vie est belle et mérite d’être vécue avec le sourire :smiley:

Alors tout cela n’est que le début. J’espère que cela vous motive et pourra vous guider dans vos réflexions. Surtout, n’hésitez pas s’il y a quoi que ce soit.

Bonne discussion :grinning:
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Bonjour,
J’habite pour l’instant au Danemark, mais je devrais rentrer au Québec quelque part cet été. Je ne crois pas me tromper en disant que le Danemark est l’un des pays avec la plus grande proportion de gens habitant en écovillages et collectif d’habitations. J’ai pour ma part habité dans une commune et n’en voit que les avantages, à condition, bien sûr et comme écrit plus haut, d’être en mesure de faire des compromis, d’être patient et, énormément, d’être ouvert aux différences de chacun. Mais quand ça marche, quel bonheur que de se créer une famille où l’un et l’autre contribuent au mieux-vivre de l’ensemble, où les responsabilités hebdomadaires sont partagées et où l’on grandit de la diversité du groupe!
J’espère avoir la possibilité de revivre une expérience similaire quelque temps après mon retour au pays!

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Merci ! Oui c’est tellement gratifiant de vivre ainsi :slight_smile: