Je viens de passer quelques jours chez mes parents à les aider sur leur érablière. On a une production très artisanale et on produit seulement pour notre consommation personnelle (ce qui fait mon bonheur, vu la quantité que je consomme!). Pour nous, la production de sirop d’érable ne doit jamais être une corvée, mais toujours une activité plaisante!
Je me suis dit que je pourrais vous décrire les méthodes à mon père. Pour ceux qui sont intéressés à produire leur sirop d’érable et qui débutent, ça pourrait vous donner des p’tites idées. Pour les intermédiaires/avancés, vous pouvez nous apporter des suggestions ou améliorations que vous trouvez pertinentes!
Description de l’érablière
Notre érablière est située au nord du Saguenay, presqu’à la limite nord de la croissance des érables à sucre. Puisqu’on se trouve dans une région au climat froid, notre saison de production de sirop d’érable commence quand le sud de la province a déjà terminé sa saison.
Nos terres font environ 3 hectares de dimension. Le terrain est en pente (au moins 10% de pente) et est orienté sud. La forêt est une érablière à bouleau jaune. On a seulement des érables à sucre, pas d’érable rouge.
Les premières années, on fonctionnait seulement avec des chaudières. Depuis les 2 dernières années, on utilise aussi de la tubulure. Cette année, en 2018, on avait 50 chaudières, 36 entailles sur tubulure 5/16 et 24 entailles sur tubulure 3/16 (110 entailles au total). On a produit environ 22 L de sirop d’érable cette année… malgré la météo qui n’a pas vraiment été de notre bord… L’an passé, on avait fait 28 L.
Nous ne sommes pas des professionnels et je sais que nos méthodes ne sont pas parfaites. Ce que je vous présente n’est donc pas un protocole précis, mais plutôt un aperçu d’une saison des sucres! Ce que je veux, c’est vous inspirer à produire votre propre sirop d’érable, en vous montrant que ce n’est pas si compliqué que ça… Ça prend simplement une bonne préparation et des équipements adéquats.
Il y a donc un investissement de départ à mettre, évidemment. Pour voir si vous aimez ça et pour apprendre les bases, proposez-vous pour aider un ami ou un membre de la famille qui produit déjà son sirop! C’est une activité qui est encore plus agréable lorsqu’on s’y met à plusieurs. Le matériel et l’équipement se trouvent facilement en magasin de fournitures agricoles, dans une quincaillerie ou auprès d’un vendeur d’équipement pour fabriquer du sirop d’érable. À nos débuts, c’était assez facile de tout trouver dans l’usagé… mais maintenant qu’il y a un plus grand engouement, il faut être prêt à chercher!
Voici la façon qu’on procède
Étape 1 : Entaillage
On commence à entailler début avril. On entaille seulement les arbres qui ont un diamètre d’au moins 9 pouces. Les arbres sont entaillés à l’aide d’une mèche 5/16, avec une très faible inclinaison. On y ajoute les chalumeaux avec des crochets pour suspendre les chaudières (ou on installe la tubulure).
Étape 2 : Récolte
La récolte commence avec les journées chaudes (2 à 7˚C) et les nuits encore fraîches (-4 à -6˚C). On récolte l’eau d’érable en motoneige. On utilise des bidons de 10 L et un entonnoir recouvert d’un filtre pour verser le contenu des chaudières.
Parfois, on va utiliser mon outil de travail préféré : le casse-cul! Mon père a modifié un vieux «boggué». On met les bidons là-dedans et la deuxième personne peut se tenir à l’arrière et débarquer facilement pour aller chercher l’eau d’érable.
On fait terminer les lignes de tubulures dans un contenant qui contient un grand volume (nous c’est 18 L, il s’agit d’anciens contenants de boissons gazeuses… vive la réutilisation!)
Étape 3 : Évaporation
Pour faire évaporer l’eau d’érable, on utilise une panne de 30 po x 17 po, que mon père a acheté usagée. Le poêle à bois qu’on utilise est un ancien poêle d’évaporation des années 40-50. C’est important de chauffer avec le bois le plus sec possible et coupé assez petit, car on veut avoir une bonne flamme constante. Ça prend beaucoup de bois!
On ajoute de l’eau par petites quantités jusqu’à ce que l’eau soit assez évaporée. Pour chaque lot, on fait bouillir environ 160 L d’eau d’érable, ce qui nous prend 8 heures d’évaporation. Il faut compter 40 litres d’eau d’érable pour obtenir un litre de sirop d’érable (avec 160 L d’eau, on obtient donc 4 L de sirop). Cette proportion est variable selon le taux de sucre contenu dans l’eau qu’on récolte, qui varie d’une semaine à l’autre au cours de la saison.
Étape 4 : Finition
Quand la quantité d’eau a diminué suffisamment, qu’elle est rendue au niveau des ailettes (plis) de la panne, on transfère l’eau dans un contenant d’acier inoxydable d’environ 40 L. On chauffe au propane. On utilise un thermomètre électronique et/ou un thermomètre d’acériculteur pour évaluer la température. On fait chauffer jusqu’à 104˚C. Ça prend environ 3h à partir du moment où l’eau bouille.
Quand l’eau a atteint 104˚C, on vérifie la consistance. On a trouvé que le mieux, c’était d’attendre encore quelques minutes une fois que la température a atteint 104˚C. Ça fait un sirop plus goûteux et plus épais (on aime ça!). Mais il faut faire attention de ne pas atteindre 105˚C. Si on attend trop, il va y avoir des dépôts de sucre dans le sirop.
Aujourd’hui, il existe des appareils tels que des densimètres et des hydrothermes qui sont plus efficaces pour évaluer quand le sirop est optimal.
Étape 5 : Embouteillage
À ce moment, il faut transférer dans une siroteuse. On installe d’abord un filtre (communément appelé une tuque) ainsi qu’un préfiltre (membrane de polyester). On remplit la siroteuse puis on commence à remplir les bouteilles. Il est important de ne jamais tordre la tuque pour faire sortir plus de sirop (ça risque de briser les mailles). Vaut mieux être patient (mais pas trop, on veut que le sirop reste chaud) et brasser un peu pour aider le sirop à couler.
Cette année, on a pris des bouteilles de 500 ml. Mais vous pouvez aussi prendre des pots Mason, des jolies bouteilles en forme de feuille d’érable, des gros bidons de plastique ou réutiliser d’anciennes bouteilles. Vous pouvez aussi encanner dans des vraies cannes de sirop d’érable (on l’a déjà testé avec une vieille encanneuse). Mais on préfère utiliser des bouteilles. Une fois que les bouteilles sont remplies, on les laisse sceller.
C’est important que le sirop soit chaud quand on remplit les bouteilles. Cette étape doit donc être faite immédiatement après la finition. Portez des gants! C’est très chaud!
Étape 6 : Test de goût
Mon étape préférée! Il faut bien sûr goûter le produit qu’on a travaillé si dur pour obtenir. Il n’y a rien de meilleur que du sirop d’érable chaud! Quand on offre en cadeau des bouteilles de sirop d’érable, on dit aux gens que ce sirop là n’a pas de prix.
Étape 7 : Nettoyage
On enlève tous les chalumeaux, seaux et couvercles des érables à la fin de la saison. Les entailles des arbres se cicatrisent naturellement avec le temps. On nettoie à l’eau chaude un peu savonneuse tout l’équipement à chaque fois ainsi qu’à la fin de la saison. La tuque (de l’étape de filtration) ne doit pas être lavée à la machine ni avec du savon. Simplement la laver à l’eau bouillante.
Et voilà! Ça l’air bien simple comme ça, mais faut dire qu’on a passé à travers notre lot d’essais-erreurs infructueux. Filtrer du sirop chaud avec des essuie-tout… essayez-pas ça!
Mais comme c’est votre sirop d’érable, à vous de faire vos expériences et de tenter ce qui vous plaît! Et gâtez-vous avec une bonne tire d’érable sur la neige!
Si vous êtes intéressés à en apprendre davantage, il se donne parfois des formations, même en région. Toutefois, ce sont souvent des formations trop poussées. Le mieux reste simplement de lire des livres (il y a la bible de l’acériculture : le Cahier de transfert technologique en acériculture et aussi L’érablière sucrière de Stéphane Guay qui est une excellente référence), regarder des vidéos et bien sûr, discuter avec des gens qui sont passés par là !
Et vous? Produisez-vous déjà votre sirop d’érable? Est-ce une production qui vous intéresse?